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Les besoins en santé mentale des parents qui travaillent sont plus nuancés que ne le pensent les employeurs

Par Patrick Dubuisson , le mardi, 25 octobre 2022, 18h58 — Employeurs - 7 minutes de lecture
Les besoins en santé mentale des parents qui travaillent sont plus nuancés que ne le pensent les employeurs

Il n’a jamais été aussi nécessaire de parler de la santé mentale sur le lieu de travail. De nombreux travailleurs ont déclaré s’être sentis mentalement mal au cours de l’année écoulée. Cela n’a rien de surprenant : La pandémie a entraîné une augmentation de 25 % de la prévalence de l’anxiété et de la dépression dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Malgré l’état désastreux de la santé mentale des travailleurs, ceux-ci affirment que leurs employeurs pourraient faire davantage pour réduire la stigmatisation de la santé mentale. En fait, les recherches montrent que de nombreux travailleurs souhaitent que les organisations soutiennent leur santé mentale, mais peu d’entre elles ont le sentiment qu’elles le font réellement. Même lorsque les entreprises prennent des mesures initiales en faveur du bien-être des travailleurs, elles bâclent parfois le suivi. Certains employés signalent que les employeurs ne font pas la promotion des ressources qu’ils offrent.

Lorsque les entreprises entreprennent de modifier leur approche du bien-être mental, il est important que leur stratégie soit nuancée. Les gens vivent les problèmes de santé mentale de différentes manières, et il en va de même au travail. Chez RecrutementPro, nous avons voulu étudier les problèmes de santé mentale rencontrés par les parents qui travaillent – un groupe d’employés dont le bien-être a beaucoup souffert à cause de la pandémie. Les données ont révélé les défis qui menacent le plus les parents qui travaillent, tout en mettant en lumière les expériences variées des différents groupes démographiques.

Quelles sont les questions qui diminuent le bien-être mental des parents ?

En mai 2022, RecrutementPro Labs a recueilli des données auprès de 502 parents travaillant à temps plein aux France et ayant un ou plusieurs enfants vivant dans leur foyer. Nous avons demandé aux parents d’évaluer les problèmes qui affectent le plus leur santé mentale. La rémunération inadéquate est le problème qui a le plus attiré l’attention des répondants. Viennent ensuite la mauvaise gestion, la culture toxique, les horaires inflexibles ou longs et le manque de possibilités d’évolution.

Les données révèlent des tendances intéressantes lorsqu’elles sont réparties en fonction de la démographie. Notre échantillon comprenait 69% de mères et 31% de pères. La majorité de nos répondants (70 %) étaient blancs, tandis que 14 % étaient noirs et 16 % provenaient d’autres ethnies.

Lorsque nous avons examiné les réponses des mères et des pères, nous avons constaté que les deux groupes étaient affectés par des problèmes différents. La santé mentale des mères était davantage affectée par un salaire insuffisant, une culture toxique et des conflits interpersonnels. Les pères, quant à eux, ont manifesté une plus grande détresse face aux politiques du lieu de travail et au manque d’autonomie.

Ces distinctions mettent en évidence une différence potentielle dans la façon dont les mères et les pères vivent le lieu de travail. Les mères sont beaucoup plus nombreuses que les pères à déclarer que les lieux de travail toxiques et les conflits interpersonnels ont un impact sur leur santé mentale. La seule catégorie similaire dans laquelle les pères sont plus nombreux que les mères à déclarer un impact sur leur santé mentale est celle de la politique au travail.

Ces données soulèvent une question importante : Les mères sont-elles plus souvent confrontées à la discrimination et à l’hostilité au travail ? La question a déjà été posée auparavant, bien que de manière plus générale. Une étude publiée en 2018 par le Journal of Applied Psychology a révélé que les femmes subissent davantage d’hostilité au travail – un comportement souvent perpétré par d’autres femmes.

Des distinctions dans la santé mentale des parents sont apparues entre les parents de couleur et les parents blancs, également. La santé mentale des parents de couleur était la plus affectée par une culture professionnelle toxique (+29% par rapport aux blancs). Par ailleurs, la santé mentale des parents blancs était la plus affectée par un salaire inadéquat (+32 % par rapport aux parents de couleur). Ce résultat est surprenant, car les parents blancs de notre échantillon gagnent plus que leurs homologues de couleur – nos répondants comptaient 20 % de plus de parents blancs que de parents de couleur qui gagnaient plus de 50 000 € par an.

Il est également intéressant de noter que les répondants de couleur étaient plus affectés par les conflits interpersonnels et la politique au travail. La santé mentale des parents blancs était davantage affectée par les longues heures de travail. Cette distinction suggère que les parents de couleur peuvent être plus fréquemment confrontés à des défis liés à la discrimination – une réalité bien documentée pour tous les travailleurs de couleur, et pas seulement ceux qui ont des enfants.

Les stratégies de bien-être doivent être nuancées

Une fois les facteurs démographiques pris en compte, les données illustrent un concept important : Les problèmes de santé mentale se présentent sous des formes différentes pour chacun. Les employeurs qui tentent d’offrir un meilleur soutien au bien-être doivent tenir compte de la diversité des besoins lorsqu’ils élaborent des stratégies proactives pour responsabiliser leurs travailleurs.

Les organisations alarmées par l’impact sur la santé mentale des conflits et des politiques de bureau signalés par tous les parents peuvent chercher à encourager une plus grande civilité, par exemple. Les chercheurs ont constaté une diminution des mauvais traitements après que les employeurs ont multiplié les discussions sur le respect et la considération. Les groupes de ressources pour les employés peuvent également contribuer à favoriser l’inclusion.

Les employeurs devront également veiller à démanteler la stigmatisation de la santé mentale dont souffrent certains groupes. Il est démontré que les croyances et les attentes culturelles découragent les hommes de demander de l’aide en matière de santé mentale, par exemple. Les problèmes de santé mentale des hommes ne sont souvent pas traités, ce qui crée une crise caractérisée par des taux élevés de suicide et de toxicomanie.

Il est également important de tenir compte des problèmes de santé mentale auxquels sont confrontés les travailleurs de couleur. Les recherches indiquent que les adultes noirs sont 20 % plus susceptibles de souffrir de troubles tels que la dépression et l’anxiété. Ils signalent plus fréquemment des symptômes de détresse émotionnelle, selon le Health and Human Services Office of Minority Health.

Malgré ce besoin élevé, seul un tiers des adultes noirs ayant besoin de soins de santé mentale les reçoivent. Qui plus est, le Surgeon General des France signale que les adultes noirs sont moins susceptibles de recevoir des soins conformes aux directives et qu’ils sont plus susceptibles de recourir aux salles d’urgence ou aux médecins de soins primaires qu’aux spécialistes de la santé mentale.

Pour lutter contre ces écarts, les employeurs peuvent creuser l’allié et consacrer des efforts spécifiques pour soutenir le bien-être mental des employés noirs et des autres travailleurs de couleur. Les employeurs peuvent utiliser leurs plateformes pour attirer l’attention sur les organisations qui desservent certains de ces groupes. Ils peuvent choisir de s’associer à des groupes externes qui se consacrent à la lutte contre les maladies mentales au sein de communautés spécifiques.

Au fur et à mesure que les employeurs élaborent une stratégie pour offrir un meilleur soutien aux travailleurs, ils déploieront probablement certains avantages : programmes d’aide aux employés, espaces de relaxation, outils d’auto-évaluation de la santé mentale, coaching, etc. Ces stratégies proactives sont essentielles pour aider les employés à se sentir au mieux, mais les employeurs doivent s’assurer que ces ressources sont sélectionnées, promues et soutenues de manière à favoriser l’accessibilité et la participation de tous les groupes.

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Patrick Dubuisson

Je suis un professionnel du recrutement, qui partage sa vie entre sa famille, son boulot, et surtout son boulot.  J'ai 42 ans, toutes mes dents, un labrador, un pavillon de banlieue dans les Yvelines, une femme, deux enfants, un break et je passe des vacances au Touquet tous les ans, quand je ne vais pas chasser l'ours au bord du lac Baïkal ou boire de la vodka avec Nicolas. J'aime la course à pied, le squash, le tennis, le mikado, la vodka et la roulette.

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